Document d’orientation stratégique
Document d’orientation stratégique
Crée en 1989, l’association pour la promotion de l’élevage au Sahel et en Savane (APESS), qui regroupe des éleveurs liés à la tradition dans 12 pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique Centrale, a été amenée à engager en 2010 un important travail de redéfinition de sa stratégie pour deux raisons principales. D’une part le développement spectaculaire de l’élevage dans le Monde et en Afrique subsaharienne pose un réel problème d’orientation et questionne la durabilité des modèles d’élevage qui tendent actuellement à s’imposer. D’autre part l’APESS avait réalisé en 2007 un bilan approfondi de son action qui mettait en évidence l’utilité d’actualiser dans son prolongement la stratégie de l’association et d’associer étroitement ses membres à ce travail pour renforcer leur engagement et leur prise de responsabilité au sein de leur association. Le présent document d’orientation stratégique matérialise cette intention. Il a été élaboré sur 9 mois entre novembre 2010 et août 2011 selon une méthodologie qui a permis de le baser sur les analyses produites par les éleveurs-leaders de l’association dans le cadre de rencontres géographiques sur les trois pôles d’APESS (Dori pour l’Afrique Centre-Ouest, Garoua pour l’Afrique Centre-Est, et Thiès pour l’Afrique de l’Ouest) et d’en définir les options politiques et stratégiques au cours d’une Assemblée Générale de l’association (Assemblée de Niamey, juin 2011).
La lecture qu’ont fait les éleveurs de l’APESS du contexte dans lequel ils exercent leur activité met en évidence une accélération des mutations au cours des quarante dernières années, c’est à dire depuis les grandes sécheresses des années 1970/1980. Le centre de gravité de l’élevage s’est déplacé des zones sahéliennes vers les zones soudaniennes. Les systèmes d’élevage se sont transformés, le rayon des transhumances s’est réduit, et l’agro-pastoralisme s’est largement substitué au pastoralisme traditionnel ; de nouvelles techniques ont été adoptées par la majorité des éleveurs issus de la tradition ; simultanément, de plus en plus d’agriculteurs se sont adonnés à l’élevage pour compléter les apports à leurs exploitations. Les éleveurs liés à la tradition ont ainsi perdu le monopole de l’élevage, d’autant que l’on a vu apparaître un élevage de type productiviste introduit par des « nouveaux acteurs » (opérateurs économiques, fonctionnaires, …) qui se sont investis dans ce secteur pour y réaliser des profits. L’économie de l’élevage s’est ainsi progressivement transformée avec la montée en puissance de l’élevage marchand. Les éleveurs liés à la tradition ont modifié leurs stratégies de production pour répondre aux exigences d’une monétarisation croissante de leurs exploitations et s’adapter au marché. Mais ils ne l’ont pas tous fait avec le même succès, et les écarts se sont creusés entre éleveurs : déjà certains ont dû abandonner leur activité et tenter de se reconvertir, parfois en ville. Avec la sédentarisation liée au passage à l’agropastoralisme, beaucoup de ces éleveurs sont devenus des villageois et ont dû faire l’apprentissage d’une nouvelle vie familiale et sociale. Ces éleveurs ont ainsi vu leurs modes de vie changer ; ils ont gagné en confort de vie, mais leur identité et leurs repères culturels en ont souffert, et ils ont perdu le statut social qu’ils avaient par le passé.
Ces mutations de l’élevage et de la société des éleveurs ont été influencées par des facteurs externes. Les éleveurs en repèrent quatre : la brousse s’est appauvrie, ce qui les a obligés à modifier leur système d’élevage. La population s’est fortement accrue, ce qui a augmenté la pression sur l’espace, mais également fait monter la demande des produits de l’élevage sur le marché. L’économie mondiale s’est globalisée et la logique libérale de son expansion a accentué la concurrence des produits importés sur le marché. Enfin les politiques, qui ont longtemps ignoré le secteur de l’élevage, commencent à s’y intéresser, mais elles ne sont pas définies en faveur de l’élevage lié à la tradition
De quoi sera fait demain ? Les tendances dominantes actuelles privilégient l’essor d’un élevage marchand de type productiviste. L’analyse prospective présentée dans ce DOS met en évidence deux scénarios tendanciels. Dans le premier, l’élevage marchand à forte injection de capitaux domine, et les « nouveaux acteurs » supplantent les éleveurs liés à la tradition. Dans le second les éleveurs liés à la tradition les plus compétitifs réussissent à se maintenir en s’intégrant à l’élevage marchand. Dans les deux cas la majorité des détenteurs actuels de l’élevage disparaît, et l’un et l’autre de ces scénarii ont un fort coût écologique et social. La conclusion qu’ont retiré les membres de l’APESS de cette prospective est que l’avenir de l’élevage n’est pas en cause : ce secteur est rentable et continuera de prospérer, avec ou sans eux. Par contre c’est le devenir de la majorité des éleveurs subsahariens actuels qui est menacé. Ils leur faut donc réagir, et les leaders et les membres les plus conscients de l’APESS pensent qu’il y a urgence à le faire. Ils savent qu’ils doivent transformer leur élevage – ils ont d’ailleurs commencé à le faire – mais ils refusent un élevage et une société qui les marginalise ou les rendent dépendants.
Il n’y a pas de fatalité, et une alternative est possible par rapport à ces scénarii tendanciels. Elle est même nécessaire non seulement pour les éleveurs liés à la tradition, mais pour les Etats et les sociétés d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique Centrale car l’élevage de type industriel vers lequel conduisent les tendances actuelles aura à terme des effets dévastateurs sur l’environnement et la société. Les choix à faire sont politiques et relèvent d’un projet de société. Il faut rompre avec la logique d’une économie entièrement tournée vers le profit et construire une SOCIETE ORIENTEE VERS LA RECHERCHE DU BIEN-ETRE. La vision du type d’élevage à promouvoir dans cette perspective s’inscrit dans la dynamique de modernisation du second scénario prospectif, mais la tempère en conservant et rénovant des valeurs et des connaissances héritées de l’élevage traditionnel qui a su au fil des siècle s’adapter aux conditions difficiles des zones arides et a permis à la société des éleveurs de se reproduire et de se faire respecter dans sa dignité. Cette vision alternative est celle d’un ELEVAGE FAMILIAL MODERNE DE VIE : chaque mot a ici son importance et a été soigneusement pesé par les éleveurs. Cet élevage est basé sur l’exploitation familiale, c’est à dire sur l’unité de vie des éleveurs, et non sur un modèle d’entreprise considéré simplement du point de vue de la rentabilité de la production. Cependant c’est un élevage moderne en ce sens qu’il innove, et que cette famille investit pour améliorer son exploitation et ses conditions de vie. Mais, à la différence de l’élevage industriel productiviste de type occidental, peu soucieux des dommages qu’il cause à l’environnement et qui traite l’animal comme une machine à produire toujours plus à moindre coût, cet « élevage de vie » est un élevage responsable, de qualité, qui respecte la vie de l’animal, celle de l’éleveur, et la santé du consommateur. Il se préoccupe du renouvellement des ressources naturelles qu’il prélève.
Seule une authentique organisation d’éleveurs traditionnellement attachés aux animaux et ayant une connaissance fine des équilibres à préserver en milieu soudano-sahélien peut porter et défendre efficacement une telle vision. Ce document d’orientation stratégique réaffirme donc le caractère d’association d’éleveurs de l’APESS, et la nécessité qu’elle soit dirigée par des éleveurs engagés à promouvoir et défendre ce type d’élevage dans un contexte où d’autres modèles sont vantés .
Plusieurs défis sont à relever pour faire avancer la réalisation d’une telle vision et éviter d’être entrainé par des tendances qui causeront à terme la ruine des détenteurs actuels de l’élevage. Huit ont été identifiés, et quatre « chemins » sont tracés dans ce DOS pour les relever et atteindre les buts visés : ce sont les QUATRE AXES DE LA STRATEGIE DE L’APESS :
1) pour promouvoir un élevage familial de vie : transformer l’élevage dans les exploitations familiales des éleveurs ;
2) pour améliorer les rapports sociaux : coopérer à l’intérieur de la famille et avec les autres ;
3) pour faire avancer la vision de l’APESS : augmenter l’influence des éleveurs ;
4) pour nourrir la mise en oeuvre de la vision : faire de l’APESS une « maison de la connaissance » .
Des résultats sont attendus sur chacun de ces axes, et des lignes d’action sont tracées pour les produire. Mais le plus important est que les éleveurs qui ont participé à l’élaboration de ce document d’orientation stratégique ont précisé les rôles et les responsabilités qu’ils devaient prendre à la base (dans leurs familles, dans les Bureaux de zone et dans les bureaux de région) pour permettre à l’APESS de progresser sur chacun de ces axes.
Un dispositif organisationnel approprié doit soutenir la mise en oeuvre de cette stratégie. A la demande des éleveurs, et avec leur concours, ce DOS décrit les organes et systèmes de décision de l’association (Assemblée Générale, zones, régions) et précise les responsabilités respectives et les rapports entre les organes exécutifs de l’association internationale (Conseil d’administration, Secrétaire Général).
Une analyse est faite des ressources qui permettent à l’association de fonctionner pour mettre en oeuvre cette stratégie. Il ne s’agit pas seulement des ressources matérielles et financières d’origine interne et externe, auxquelles on pense souvent en premier lieu, mais des ressources humaines, notamment celles apportées par les techniciens salariés des CRIFA et du Secrétariat général, dont le rôle est ici reprécisé en fonction des orientations de la vision arrêtée dans ce DOS. Un troisième type de ressources que la mise en oeuvre de cette stratégie va fortement solliciter a trait aux informations et aux connaissances qui devront être connues et maitrisées par les éleveurs. Certaines devront être recherchées à l’extérieur et rendues accessibles aux éleveurs, d’autres seront produites par les éleveurs eux-mêmes à travers l’expérimentation de leurs innovations, et par l’association à travers les études et recherche qu’elle initie ; elles devront être capitalisées et pourront faire l’objet de publications.
Plusieurs rouages permettront de traduire les orientations données dans ce DOS par des réalisations concrètes. Il s’agit du système de planification et de budgétisation des actions, des règles et procédures que chacun doit respecter, du système de communication qui va innerver l’association et l’ouvrir sur l’extérieur. Mention particulière sera faite à un système de suivi-évaluation innovateur à partir duquel pourrait être créé un « observatoire de l’élevage » dont le système de veille doit bénéficier à l’ensemble des acteurs de l’élevage.
Introduit par présentation de la problématique de ce DOS (« s’orienter par rapport aux évolutions de l’élevage »), ce document est composé en 4 parties : partie 1 : «l’évolution du monde de l’élevage vu par les éleveurs d’APESS » ; partie 2 : « ce que veulent construire les éleveurs d’APESS pour demain » ; partie 3 : « la mise en oeuvre des orientations de la stratégie » ; partie 4 : « le dispositif permettant de mettre en oeuvre la stratégie ».
Voir aussi
Historique et statut juridique
Fondée en 1989 à Bobo Dioulasso au Burkina Faso, l’Association pour la Promotion de l’Elevage au Sahel et en Savane (APESS) est aujourd’hui une organisation internationale d’éleveurs d’Afrique de l’Ouest et du Centre structurée et fonctionnant ainsi qu’il suit
Domaines d’intervention
L’APESS travaille dans le domaine du Développement Rural en général et le secteur de l’élevage traditionnel en particulier. L’APESS offre donc ses services aux éleveurs et agriculteurs, mais aussi aux responsables et acteurs de différents projets de développement rural.
Contexte
Crée en 1989, l’association pour la promotion de l’élevage au Sahel et en Savane (APESS), qui regroupe des éleveurs liés à la tradition dans 12 pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique Centrale, L’élevage sahélien a connu des difficultés
Plan d’action
2012-2016 est la période de mise en œuvre du nouveau Plan d’action de l’APESS ; celui-ci a été élaboré à Gourcy à 140 km au Nord de Ouagadougou, au Burkina Faso, au cours d’un atelier tenu du 19 au 28 septembre 2011.