Publication du nouveau rapport de Coordination SUD. La PAC ne doit pas nuire au développement des agricultures paysannes du Sud
La PAC ne doit pas nuire au développement des agricultures paysannes du Sud
Quelle corrélation poser entre le dérèglement climatique à l’échelle globale, les déséquilibres au Sahel, la déforestation en Amazonie et le mode de production européen actuel ? Celle du modèle agricole et alimentaire promu par la PAC. Représentant plus du tiers (36 %) du budget communautaire (2014-2020), la PAC constitue la première politique de l’Union européenne. Associée à d’autres politiques européennes, notamment commerciales et énergétiques, la PAC conditionne les évolutions du système agricole et alimentaire européen ainsi que les échanges commerciaux avec les pays tiers. Voici les caractéristiques d’un système qui engendre des effets désastreux pour le climat et les paysanneries des pays du Sud. Selon ce même rapport publié, ce jour, par Coordination SUD et la plateforme luxembourgeoise Meng Landwirtschaft, documenté par des statistiques et des rapports existants sur le sujet, ces impacts sont principalement de trois ordres.
Le système agricole européen détient une responsabilité majeure en matière de réchauffement climatique, en contribuant à un tiers des émissions européennes de gaz à effets de serre. Ceci surtout si l’on tient compte des effets liés à la déforestation dans les pays exportateurs d’huile de palme et de soja à destination de l’Europe. Effets accentués par le système d’aide de la PAC qui encourage un modèle d’agriculture industrielle et une politique commerciale sans droits de douane protecteurs. Ainsi la PAC favorise l’expansion d’une agriculture qui joue à plein contre le climat.
D’autre part, en subventionnant des productions agricoles destinées à être exportées, la PAC a déstabilisé les marchés des pays du Sud par cette pratique de dumping, facilitée également par l’absence de mécanismes de régulation des marchés européens. « Les exportations de blé ou encore de poudre de lait, parfois même de poudres de mélange de lait écrémé et d’huile de palme vendues abusivement comme du lait sur les marchés de l’Afrique de l’Ouest, sont symptomatiques. Ce véritable dumping vient déstabiliser les économies rurales. Ainsi en Afrique de l’Ouest, ces poudres importées reviennent aux transformateurs·rices jusqu’à 40 % moins cher que le lait local. Ils·elles préfèrent donc largement acheter ces poudres plutôt que d’investir dans le développement de réseaux de collecte de lait local », pointe Laurent Levard.
Enfin en soutenant les importations massives de soja pour l’alimentation animale européenne (près de 40 millions de tonnes chaque année), la PAC a des conséquences dramatiques en Amérique du Sud. Elle alimente un terreau favorable à l’expansion d’une culture intensive synonyme de déforestation, d’atteintes à la santé par la pollution des sols, d’expulsions et de vies bouleversées, pour les communautés paysannes et rurales d’Amérique du Sud. « Emmanuel Macron a récemment fustigé, à juste titre, la politique brésilienne pour les feux désastreux en Amazonie. Néanmoins, il est bon de rappeler l’impact de la PAC de l’Union européenne sur les pays du Sud. L’Europe a sa part de responsabilité dans l’incendie de la forêt primaire, du fait même de ces importations. Et les effets spectaculaires que l’on a pu voir récemment ne doivent pas faire oublier les autres, notamment ceux socio-économiques sur les économies locales. Ils sont invisibles pour nous, mais non moins scandaleux et évitables », tient à rappeler Laurent Levard, expert agriculture au Gret et membre de la commission Agriculture et alimentation de Coordination SUD. Et les traités de libre échange en négociation, tel celui du Mercosur, vont amplifier ce phénomène en facilitant l’importation de soja en Europe.
Coordination SUD appelle de ses vœux une évolution du système agricole et alimentaire européen répondant à trois objectifs :
• réduire drastiquement l’empreinte carbone du système agricole et alimentaire européen (le scénario Afterres2050 envisage une réduction de 50 % à l’horizon 2050) ;
• mettre fin aux pratiques de dumping sur les marchés des pays du Sud ;
• diminuer progressivement puis supprimer les importations de soja.
Ce rapport a été réalisé par le GRET, avec l’appui d’ActionAid France – Peuples Solidaires, du Comité Français pour la Solidarité Internationale, d’ISF-Agrista, de SOL (Alternatives Agroécologiques et Solidaires) et de SOS Faim Luxembourg. En complément de cette publication, une note de synthèse et 3 vidéos ont également été réalisées. La première vidéo vient de sortir. Les deux autres seront progressivement diffusées d’ici mi-novembre.
N’hésitez pas à diffuser autour de vous.
Le rapport existe aussi en anglais.