La ratification absurde de l’APE intérimaire de Côte d’Ivoire
Le 3 septembre 2016 l’Accord de Partenariat Economique (APE) intérimaire (ou « d’étape ») que la Côte d’Ivoire avait paraphé le 13 décembre 2007 et signé le 28 novembre 2008 avec l’UE est entré en vigueur après que le Parlement ivoirien ait donné le 12 août 2016 l’autorisation au Président de la République de le ratifier, alors que le Parlement européen l’avait ratifié depuis le 25 mars 2009. La Côte d’Ivoire (CI) craignait que la Commission européenne ne mette à exécution sa menace de retirer aux pays non PMA d’Afrique Sub-saharienne (ASS), notamment d’Afrique de l’Ouest (AO) leur accès au marché de l’UE sans droits de douane ni quota si l’APE régional n’était pas ratifié avant le 1er octobre 2016, ce qui est très probable puisque le Nigéria, la Gambie et la Mauritanie n’ont toujours pas signé l’APE régional. La Côte d’Ivoire (CI) a donc suivi le Ghana qui a ratifié son APE intérimaire (APEi) le 3 août 2016 mais ce n’est que les 12 ou 13 octobre 2013 que sa Commission internationale (INTA) du Parlement européen se prononcera sur la ratification de celui de CI.
Ce faisant, le Parlement ivoirien s’est tiré une balle dans le pied, en suivant le gouvernement qui a cédé aux fortes pressions des firmes d’agrobusiness internationales, notamment françaises, plutôt que d’écouter les avertissements de la société civile. Il faut souligner que l’APEi de CI comme celui du Ghana sont différents de l’APE régional d’AO, en particulier sur la libéralisation tarifaire qui n’est pas basée sur le TEC de la CEDEAO entré en vigueur depuis le 1e janvier 2015 et qui instaure une bande de droits de douane (DD) à 35% – concernant notamment tous les produits exclus de la libéralisation –, un taux qui n’existait pas en 2007 dans le TEC de l’UEMOA utilisé par la CI où le taux maximum était de 20%. En outre la libéralisation des DD dans les APEi de CI et du Ghana n’est pas stipulée en termes d’années de T à T20, mais en termes d’années civiles commençant dès janvier 2008 pour être achevée en 2022, donc sans moratoire de 5 ans[1]. Ce qui obligerait juridiquement la CI (et le Ghana) à libéraliser dès sa mise en œuvre, donc immédiatement pour la CI, tous les produits du groupe A (taxés à 5%) et presque tous ceux du groupe B (taxés à 10%) dont la libéralisation doit s’achever fin 2017. Toutefois, il est probable que, en dépit de la violation des dispositions juridiques des APEi, un accord serait trouvé entre la CI et le Ghana et l’UE de sorte que non seulement le calendrier de libéralisation mais aussi les dispositions de l’APEi seraient alignées sur celles de l’APE régional. C’est pourquoi le fait que la Commission européenne ait déclaré que l’APEi était entré en vigueur le 3 septembre 2016 sans plus de justifications juridiques pose problème. La présente évaluation repose sur l’hypothèse que la CI appliquerait l’APE régional.